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Cuisiner en Alberta

Cuisiner en Alberta

Vous ayant écrit dans un article précédent que j’étais passé aux cuisines, vous devez vous dire « Mais Sandro, tu nous avais jamais dit que tu étais cuisto ? » ben en fait, je ne vous ai rien caché, et pour cause, je ne suis pas, et n’ai jamais été cuisinier de ma vie… En tous cas, jusqu’à aujourd’hui.
Bien sûr j’ai toujours cuisiné, quand on « se pose » un peu, c’est toujours moi au fourneaux,

Quelques clichés de mes œuvres (Pffff…)

je ne suis pas vraiment fan de la cuisine de Hihi, et même elle préfère mes plats aux siens (c’est pour dire !).

Bon je sais les photos sont très moyennes, mais c’est tout ce que j’avais…

Mais de là à cuisiner pour 3, 4 voir 6 cent personnes, avec un menu qui doit changer tous les jours, c’est une autre paire de manches.
Alors comment est-ce possible ? Commençons par quelques questions :
– Est-ce que vous savez faire bouillir de l’eau ?
– Est-ce que vous savez faire des œufs au plat ?
– Est-ce que vous savez mettre quelque chose au four, si on vous donne le temps de cuisson ?
– Est-ce que votre cerveau marche à peu près correctement ?
Si vous avez répondu -Oui- à ces 4 questions, félicitations ! Vous pouvez devenir cuisiner en camp ! Et non, pas d’exagération (malheureusement…).
Car il y a un gigantesque fossé entre le terme « cuisinier en camp dans le Nord de l’Alberta » et « cuisinier » tout court, la définition n’a rien à voir… Le plus difficile en fait c’est de comprendre ce que le chef te demande (voir l’article précédent), après ça va tout seul.
« Couper en dés deux caisses de poivrons, une demi caisse d’oignon, et mélanger le tout avec de l’huile d’olive et épices, avant de mettre le tout au four pour 25 minutes ? Pas de problème »
« Hacher 15 kilos de viande, saler, poivrer ? Pas de problème »
« 3 caisses de pomme de terre en vapeur, les éplucher, les mettre dans le mixeur avec sel, poivre, lait et beurre ? Pas de problème »

Et là je vous donne les plus compliqués, la plupart du temps cela se tient à « Mets ça au four à 350 degrés (F), pendant 30 minutes » ou « Coupes ces concombre en fines lamelles », et oui rien de plus ! Le pire c’est qu’à force tu ne demandes plus les temps de cuisson, à force, t’as juste à regarder le menu (qui revient à peu près au même toutes les 6 semaines), et faire ce qu’on t’avais dit la fois dernière, et là tu deviens un …super héros !
– « Comment tu sais qu’il fallait faire ça ? »
– « Ben c’est écrit sur le menu… »
– « Ah ouais, bien joué. Mais comment tu sais le temps de cuisson et les ingrédients ? »
– « Ben, j’avais déjà fait ça il y a quelques semaines, alors ce n’est pas si loin… »
– « Ouha, t’es trop balaise ! »
Alors tu crois qu’ils blaguent, qu’ils te chambrent, que c’est du second degrés, mais non ils sont tous impressionnés ! Je peux même lire dans leur yeux « Regardez, le Français là-bas, il a un cerveau ! », le pire c’est qu’un jour j’ai dû préparer le déjeuner pour tout les employés (environs 50 personnes)…seul ! Deux cuistos étaient malades. Vous auriez dû voir leur têtes…
– « Mais t’as fait ça tout seul ?! C’est délicieux ! »
– « Euh ouais, c’est des pâtes quoi… »
– « Oui ! Mais elles sont bien cuites, et pas collantes ! »
– « Ben…  » (Qu’est-ce que vous voulez que je dise ? Que je les ai mit dans de l’eau bouillante et salée ? Est-ce vraiment exceptionnel ?)
– « Et puis la sauce, formidable ! »
– « Me… Merci bien… »
Après ça certains « cuisiniers » venaient me demander conseil, à moi ! « Qu’est-ce que je devrais mettre dans cette sauce ? », « Quelles épices s’accorderaient mieux avec ces légumes? », c’est à ce moment que j’ai compris que 80% des cuisiniers n’avaient ni diplômes, ni expérience dans la cuisine, ils suivaient tous les ordres du chef et sous-chef…comme moi, en fait…
Et là vous vous dites : « Non, mais attends, si un majorité de cuisiniers n’ont aucunes notion de cuisine, ça ne peut pas marcher ! Les clients s’en aperçoivent, ce n’est pas possible ! », et bien non ! au contraire, ils en redemandent ! Si vous saviez tous les plats infectes qu’ils ont préparé, des trucs inimaginables… Mais comme dit plus haut, la cuisine dans le Nord Alberta n’a pas la même valeur, c’est le moins que l’on puisse dire… Quelques exemple :
Un jour je me suis moqué d’une de mes collègue (une locale) qui avait fait brûler son toast, tout était noir !
– « Ha, tu l’as laissé trop longtemps dans le grille pain ! »
– « Pourquoi tu dis ça ? »
– « Comment ça, pourquoi je dis ça ?! Il est carbonisé ton pain ! »
– « Mais c’est comme ça que l’aime, d’ailleurs je ne suis pas la seule… »
Et effectivement, ils aiment souvent les truc cramés… Immangeable pour moi, eux ils se régalent, et pas que pour le pain, parfois je suis au service :
– « Un steak bien cuit SVP »
– « Oui, celui-ci ? »
– « Ah non, j’ai dit -Bien Cuit- »
– « Mais il EST bien cuit »
– « Non, pas assez, donnez moi celui-là » et là il me montre un morceau de charbon, vraiment, tout noir et dur comme une pierre…
– « Celui-là ?! Vous êtes sûr ? »
– « Oui, j’aime bien comme ça »
– « Ok… » et le pire c’est que le gars derrière lui faisait la tronche, car c’est aussi le steak qu’il aurait voulu avoir… À la fin, on faisait 50% des steaks …cramés. Ils étaient aux anges…
Et c’était pareil pour tout, donc le goût n’avait plus vraiment d’importance, et même si parfois un cuisinier arrivait à se surpasser, ils gâchaient tout avec le « gravy », alors ça c’est encore un truc que je n’arrivais pas à comprendre…
– « Du gravy SVP »
– « Sur la viande ou les pommes de terre ? »
– « Partout ! »
– « Partout ? Les légumes aussi ? »
– « Oui ! Partout »
– « Ok… Voilà »
– « Non, plus »….. « Encore plus »…… « Encore plus »……. « Et un petit peu plus »
L’assiette était marron, on ne pouvait plus rien distinguer, et puis les goûts et parfums s’étaient dérobés sous la force du gravy. Mais au fait, le « gravy », c’est quoi ?
Normalement c’est la sauce que libère la viande et certain légumes à la cuisson, quelques chose de très liquide, et assez léger, que l’on ajoute en quantité modéré sur la viande, ou le plus souvent sur la purée et diverse pomme-de-terre, mais pas ici ! La sauce ne vient ni de la viande, ni des légumes, elle vient en poudre… Mais pire encore, elle a pour nom « Sauce au jus à la française », sacrilège !

Et cela ne s’arrête pas là… Normalement la poudre se mélange avec de l’eau chaude, point barre, ici cela ne suffit pas, on y rajoute une tonne de sel, des cubes de soupe de boeuf, un roux (gras+farine) à l’huile de colza, ce qui donne une texture épaisse, et très lourde sur l’estomac, pour faire simple, du gravy c’est à  90% du sel et du gras…
Bref, tout ça pour dire, que les clients n’y voyaient que du feu, une toque sur la tête suffisait à leur faire croire que l’on était de grands professionnels…
Maintenant vous comprenez, que « cuisinier » est quand même un bien grand mot… Mais je ne vais pas m’en plaindre, se fût quand même une intéressante expérience.

13 réflexions sur « Cuisiner en Alberta »

    1. Attention Mélissa, tu vas en fâcher quelques uns lol
      D’un je ne parle que de l’Alberta (et particulièrement au Nord), car l’Ouest et l’Est du pays, et spécialement le Québec, ils cuisinent pas mal du tout, sauf pour les crêpes (private joke)
      Et deuxièmement, je trouve qu’il y a d’excellent restaurants, et de très bonne « bouffes » aux USA, malheureusement la culture du burger fait rage…

  1. Qu’est-ce que j’ai ri avec les steaks cramés, c’est un truc de dingue! Ahlala je crois que je serais malheureuse (et très affamée!) là-bas…
    En tout cas au-delà des menus proprement dits ça doit quand même être sacrément difficile de s’organiser pour servir autant de personne,s chapeau!

    1. Merci, mais ce n’était pas si dur ;-)
      Et puis comme nous sommes aux cuisines, crois moi nous n’avons jamais été affamés ! Au contraire, quand tu as la possibilité de te préparer ce que tu veux fFf le rêve…

  2. Bizarrement ça me rappelle la cuisine à l’anglaise… Cramer la viande et mettre de la gravy par dessus pour cacher le goût de cramé… Hehe! Trouver un bon steak à Londres est parfois assez difficile, surtout que dans certains restaurants, ils refusent tout simplement de te servir ton steak saignant.
    Lorsque ma coloc a cuisiné le boeuf pour Noël l’année dernière et qu’elle l’a transformé en semelle (ce qui pour elle est normal), j’ai cru que j’allais pleurer…

    1. Cela ne m’étonne pas… Je pense que la cuisine Albertine doit venir d’Angleterre… Maintenant je ne sais pas pour le Royaume-Unis, mais pour l’Alberta le gravy ne sert pas à cacher le goût de cramé, ils AIMENT le gravy ET le cramé…
      Dilemme ~~~ :(

  3. C’est pas faute de ne pas te l’avoir dit Je t’avais prévenu ??????? Cette « malbouffe  » n’empêche pas de faire des Canadiens des solides gaillards , bons vivants avec un coeur gros çà.

    BIZZZZZZZZZZZ

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