Rat dans l’assiette
Saitual est notre prochaine destination, un (tout) petit village plus à l’Est. Toujours avec le véhicule de prédilection : Le Sumo (ou Jeep). Comme la route n’est pas vraiment « scellée », nos têtes rebondissent de droite à gauche en quinconce, et tout le monde doit suivre sinon …bing ! Les crânes s’entrechoquent… En plus les éboulements ne sont pas rares, en voici un qui nous a fait « seulement » perdre 2 heures.
Mais bon, on ne va pas se plaindre, on est là parce-qu’on l’a voulu, et en plus on est arrivé en un seul morceau, que demander de plus ? Dans ce coin du pays, les endroits pour dormir se font rares, pour satisfaire les voyageurs en « tour » le gouvernement indien a ouvert des « Tourist Lodges » un peu partout sur les 7 soeurs, nous y dormirons souvent, non pas parce-que c’est plus propre, ou moins cher, juste parce-que …pas d’autres choix. Saitual fait parti de ces lieux où si vous voulez passer la nuit, c’est la seule solution.
Pourtant aucun regret (cette fois…) car la Tourist Lodge de ce village est sans doute une des meilleure chambre que l’on est eu sur tout ce voyage en Inde, et pour sûr la moins cher (3 Euros la double). De l’espace (la salle-de-bain est immense !), propre et la vue est aussi mémorable.
En plus les tenanciers sont adorables, et nous reçoivent comme des rois :
– « Pourquoi construire une Tourist Lodge dans un si petit village ? »
– « Beaucoup de tours s’arrêtent ici, pour une nuit… Ça fait une coupure entre Aizawl et Champhai »
– « Mais il y a quelque chose à voir ici ? »
– « ….mmh, le couché de soleil… »
– « Ah ok ! »
– « Les groupes viennent, puis repartent le lendemain, je ne sais pas ce qu’il viennent voir ici »
– « Mais vous ne leur parlez pas ? »
– « Pas trop… Mon anglais est pauvre, et ils ont leur guide »
– « Alors vous n’avez jamais parler aux touristes ?! »
– « On parle à leur guide ! Et… On leur dit « Bonjour » et « Au Revoir », on n’est pas très intéressants, ils préfèrent rester entre eux… »
– « Mais non ! Alors ça vous fait drôle qu’on vous parle ou quoi ? »
– « Ben un peu… » il rougit, « Mais ça fait plaisir ! Vous voulez voir ma famille ? »
– « Ha ben oui pourquoi pas »
Il nous amène à l’arrière de l’hôtel, sa « maison de fonction » se trouve là, car oui c’est un employé du gouvernement (même si il est un peu soucieux, car une rumeur circule selon laquelle toutes les Toursit Lodge vont se privatiser…). Il nous présente sa femme et ses trois enfants.
– « Ah ben oui des enfants, il doit bien y avoir une école ici non ? »
– « Oui au bout de la rue »
– « Ok, on va aller voir ça. Et pour manger ? »
– « Les tours amènent leur nourriture pour le déjeuner »
– « Oui, mais pour les gens comme nous, où aller ? »
– « Pour le déjeuner il y a un petit restaurant au centre, et pour le diner on peut vous préparer quelque chose »
– « Ça marche pour le diner, allons voir ce restaurant »
– « C’est vraiment tout petit, et très basic hein… »
– « Pas de problème, on a l’habitude »
– « Je vous accompagne ! »
La rue principale est la seule rue… Ou presque.
Tout est là, en 500 mètres vous avez tout vu… Mais c’est paisible, et propre.
Nous arrivons au « restaurant » et le menu est plus large que ce que l’on avait pensé, noodles, riz ou soupe locale. On dit un « See you later » à notre hôte, et nous nous lançons pour les noodles (pâtes).
Les locaux nous regardent étonnés, mais toujours avec le sourire, leur anglais est proche de zéro, alors la communication est difficile… Car au Mizoram, on parle que Mizo, même pas Hindi…
Les clients ne s’arrêtent que le temps d’ingurgiter la soupe, cette soupe verdâtre qui ne nous inspire guerre, mais si elle est si populaire c’est qu’elle doit valoir le coup de cuillère, non ?
Non… D’abord c’est gras, sans doute du gras de porc, et les « légumes » ou plutôt la plante qu’ils y mettent est très amère… Ce qui donne au Sachek (c’est son nom) un goût certes mémorable, mais pas dans le bon sens du terme…
Les enfants sont encore à l’école, étonnement c’est une école privée.
Par la fenêtre on reçoit des « coucou » de la main, mais nous hésitons à franchir le portail… Finalement c’est le directeur en personne qui nous invite à rentrer :
– « Vous voulez voir à l’intérieur ? » nous demande-t-il un peu surprit
– « Oui s’il vous plait »
– « Ah avec plaisir ! Aucun étranger n’avait encore porté attention à mon école ! »
Il nous montre fièrement sa classe, et ses élèves, et nous demande de leur parler (en anglais bien sûr) alors on s’exécute.
On fera trois classes, ils étaient très sages et respectueux, et tous en uniforme. Difficile de briser la glace, alors quand la fin des cours sonna, partie de ping-pong avec les élèves.
Je ne vais pas vous dire que Saitual est incontournable, mais parfois un peu de « simplicité » dans ce voyage, n’est pas du luxe.
Le soir venu, on tape à la porte pour nous dire que le diner est prêt, on s’attendait à un bol de riz réchauffé, mais non, ils nous ont mit la table avec légumes, poulet, curry, patates et …riz. Sur des assiettes du « Mizoram tUOrism »…
Le lendemain, direction Champhai ville tout à l’Est de l’état près de la frontière birmane. Après 10 minutes de taxi c’est encore un sumo que l’on doit attendre.
La route est toujours sinueuse, et nous sommes toujours en terre chrétienne, alors une fois que tous les passagers ont été ramassés, le chauffeur s’arrête au bord de la route :
– « Euh… Pourquoi on s’arrête là ? »
– « On va prier »
– « …..?……. »
Et là il coupe le moteur, joint ses mains, et tout le monde baisse la tête. J’espère que la prière avait pour sujet la sécurité routière, car sur le chemin on a croisé des dizaines (voir des centaines) de croix blanches, qui signifient, comme vous vous en doutez, « accident mortel »…
Sur place c’est un peu la cohue, personne ne sait grand chose sur quoi que ce soit, alors nous irons nous loger au Tourism Lodge de la ville… C’est plus cher, et moins « accueillant » qu’à Saitual, mais on ne va pas faire la fine bouche.
Toujours difficile d’avoir des informations, alors plutôt que d’essayer de courir à droite, ou à gauche, nous allons juste rester sur place quelques jours, histoire de s’imbiber des lieux.
Champhai est une « grande » ville (toute proportion bien gardée), il y a de tout ici, deux marchés,
boucher, tailleur, restaurants (de base), coiffeur, et même un cyber café, enfin quand il y a du courant…
Ce qui marque le plus dans cette ville (comme dans le reste du Mizoram), c’est la place des femmes dans la société, elles sont partout.
Contrairement à l’Ouest du pays, où l’homme travaille et décide, ici c’est 50/50, je dirais même 60/40 en faveur des femmes, ce qui est très agréable, surtout que même dans les écoles la proportion reste la même.
Le porc est dans toute les assiettes, pratiquement chaque maison (même en centre ville !) nourrit son porc.
Ils nous expliquent qu’ils l’achètent bébé pour 3000 Roupies, puis le nourrissent pendant des mois et revendent la viande au boucher pour 170R/Kg.
Comme ils ne lui donnent que les restes, et les épluchures, c’est plutôt écologique.
En parlant nourriture, ils sont bien carnivores (contrairement au reste du pays)
Vente de (grosse) brochettes au …soleil…
et ont une gamme de viande plus large… Bien sûr le poisson,
le bœuf, ou plutôt le buffle,
le poulet,
et différents petits oiseaux,
mais aussi du crabe d’eau douce, de la tortue,
et du …rat !
Première fois depuis le début de ce voyage… Même en Chine (pourtant il mangent tout là bas !) je n’avais jamais vu de rats sur les marchés… Mais c’est très courant ici, et ce n’est pas donné ! Sinon pour la « cuisine » en elle même… Ce n’est pas trop ça… Ils font tout bouillir, sans rien, juste comme ça. On a souvent fait la grimace.
Un autre point unique de cet état, c’est le YMA (Young Mizo Association) elle est présente un peu partout,
on peut reconnaître les bureaux grâce aux couleurs rouge-blanc-noir, c’est une association à but non lucratif crée il y a presque 75 ans, initié par des missionnaire chrétiens,
elle est aujourd’hui présente pour aider à garder les valeurs morales, l’importance de la famille, le respect des religions, la préservation de la culture et bien d’autres. Par exemple elle aide les plus pauvres à trouver un logement ou de la nourriture, elle organise les ramassages d’ordure dans la ville (moi qui croyait que c’était le gouvernement qui s’occupait de ça… Ce n’est plus étonnant de voir qu’ici c’est propre, pendant que dans le reste de l’Inde…), elle s’occupe même des funérailles d’un Mizo (cercueils, fleurs, etc.) car ici ils trouvent ça dégoutant de faire du commerce avec ce genre chose…
Autre particularité de ce lieu, ils n’ont pas l’habitude de voir du touriste, en tout cas, du tourisme indépendant. Quand je rentre dans un « shop » on me propose toujours le plus cher des paquet de gâteaux, quand je refuse et demande le « basic » ils s’exécutent sans rechigner, mais s’étonne de mon choix. Comme ce jour où j’ai été voir un couturier pour réparer mon short/pantalon :
– « Vous pouvez réparer ça ? »
– « Euh… Oui je pense »
– « Ok, combien de temps ? »
– « Je vous le fais maintenant en 5 minutes pour 20 roupies »
– « Ça marche »
– « Mais… »
– « Mais quoi ? »
– « Pourquoi vouloir le réparer ? »
– « Ben vous avez vu la déchirure ?! »
– « Non, je veux dire… Pourquoi vous n’en achetez pas un nouveau ? »
– « Après réparation, il sera encore bon pour 6 ou 8 mois, pourquoi gâcher ? »
– « Mais vous êtes riches ! Vous devriez en acheter un neuf »
– « Riche ?! Ah… Parce-que je suis étranger… »
– « Ben oui, il faut de l’argent pour pouvoir voyager jusqu’ici de France, non ? »
– « Oui, je suppose… Mais même si je suis Français, je ne viens pas actuellement de France… Mais je comprends ce que vous voulez dire… »
Que lui dire ? Que je suis un nomade ? Que je vis avec très peu ? De toute façon même ce « très peu » c’est bien plus que ce qu’il a…
– « Si j’achète un nouveau pantalon, ça ne sera pas ici. J’ai besoin de quelque chose de solide et spécifique, alors c’est mieux de le faire réparer, comme ça je fais un peu marcher le commerce »
– « Ha oui ! Merci »
Il me fait un travail parfait, alors je lui donne un peu plus, son sourire va d’une oreille à l’autre :
– « Merci beaucoup, ma journée est rayonnante grâce à vous, Dieu vous bénisse »
– « Euh… Ok, merci… »
Cela fait maintenant plus d’une semaine que l’on a demandé le permis pour l’état de l’Anurachal Pradesh, allons relever les emails histoire de voir si il est bien arrivé (à suivre…)
18 réflexions sur « Rat dans l’assiette »
Belle sequence un peu plus relax que d’habitude. Dis, tu nous ramènera un rat la prochaine fois? Je n’ai jamais goute =)
Je peux t’en envoyer un congelé si tu veux, mais je pense que tu peux en trouver des bien dodus à Taïwan 😀
les choses les plus simples sont parfois celles qui nous touchent le plus…tortue, rat, …ca change de burgers et company 😉
Ouais mais dans ce cas là, même les burgers me manquaient… 😉
Ca devait être une bonne expérience ce voyage 🙂
Par contre pour le rat … je suis plutôt ouvert culinairement mais j’aurais passer mon tour cette fois lol
Mais non, c’est comme du lapin 😀
Ouffff ce récit fait du bien, c’est moins speed et tendu que les derniers ou on sentait vos difficultés …
PS: Je trouve ça super intéressant de relater les dialogues, très bonne idée !
Je suis curieuse alors vivement la suite et merci !
La suite est en ligne 😉
Et les difficultés continuent…
J’ai toujours une espèce de boule au ventre quand je dois lire tes news Made in India ,j’ai une
profonde « dégoutation » pour ce pays , je n’aurais certainement pas le courage d’aller
au devant de cette population connaissant les énormes difficultés sanitaires
et humaines à surmonter, mais là, j’avoue que tu nous a scotcher , on ressent une
grande sérénité et une bonne dose de « bon vivre » dans cette région à travers
tes commentaires avec pour seul bémol peu être l’art culinaire local
qui nous laisse pantois….au bas mot !!!
Cette communauté me paraît bien plus à l’écoute, elle dégage une quiétude apaisante loin du
stress des mégapoles ,des pollutions et autres contraintes du 21ème siècle.
J’ai bien aimé votre visite informelle dans cette petite école , l’accueil lors de votre
première nuitée ainsi que l’épisode du couturier tout ceci bien transmis dans tes
textes questions-réponses qui nous permettent de parfaitement ressentir les émotions
du moment. Je suppose que la suite de l’aventure locale va vous réserver quelques situations
bien moins acidulées mais c’est la rançon de la curiosité, le prix à payer pour
assouvir ce besoin de découvertes et donc sans importance.
Des gros bisous à vous deux ,ciao ,ciao à plus .
Ben je pense que tu vas retrouver ta boule au ventre avec les prochains articles ==
Bise~
Reportage assez accrochant,je file p’tit déj!
Bon appétit ! lol
Au Vietnam, les gens disent que les rats des champs c’est tres bon car ils se nourissent bien, mais qu’ils ne toucheraient pas a un rat des villes.
Ha là bas aussi ils les prenaient « sauvages » et pas « des villes » 😉
Cet état est vraiment différent du reste de l’Inde, par bien des aspects, et puis les habitants ont vraiment le type asiatique !
Moi qui suis végétarienne, plutôt beurk ces étalages de viande DeaD
Le rat vous avez essayé ? Pas très appétissant présenté comme ça, en entier ;(
En tout cas, super idée que de visiter ces 7 états !
A bientôt
Marjorie
Ah ben si t’es végétarienne tu devrais aimer l’Inde (de l’Ouest), moi je suis (largement) carnivore alors la viande même en étalage ça ne me fait pas peur 😀
A+
La photo du coucher de soleil est superbe!
HeArT
Merci 😉